- RÉSURRECTION DU CHRIST
- RÉSURRECTION DU CHRISTRÉSURRECTION DU CHRISTArticle central de la confession de foi chrétienne, la résurrection du Christ le demeure aujourd’hui comme elle l’était à l’origine. C’est d’ailleurs sous cette forme que la résurrection de Jésus est attestée pour la première fois dans les documents connus. Il s’agit des énoncés que saint Paul rappelle aux destinataires de sa Ire Épître aux Corinthiens: «Je vous ai transmis ce que j’avais moi-même reçu: que le Christ est mort [...], qu’il est ressuscité le troisième jour...» (XV, 3-5). Un travail critique permet de dater d’environ 35, soit peu d’années après la crucifixion de Jésus, le moment où Paul reçut cette tradition, à laquelle est attachée déjà l’apparition du Christ aux apôtres: «... il est apparu à Céphas» (ibid .). Les Épîtres de Paul font état ailleurs, en d’autres professions de foi, d’un noyau primitif articulé de façon semblable. Il en est de même dans des hymnes ou prières de la communauté chrétienne primitive (6-11; Éph., V, 14). La catéchèse apostolique, telle que l’auteur des Actes, principalement dans les «discours», l’a littérairement et dogmatiquement élaborée, est elle-même un témoin privilégié de ce credo précoce (par exemple, 24-28).Article de foi central du credo chrétien primitif, la résurrection de Jésus a été présentée aussi, par la suite, sous la forme de récits structurés que les quatre Évangiles nous ont rapportés parallèlement (les fameux «récits du tombeau vide»). Réunis en un seul bloc avec les récits de la Passion, ces récits ont constitué un «premier Évangile», à partir duquel se sont construits les Évangiles dans leur état définitif, tout ce qui précède étant dynamiquement organisé en fonction de ce dénouement final. Les autoprédictions répétées de la Passion et de la Résurrection sont, dans le trajet du récit évangélique global, autant de signaux interprétatifs qui indiquent combien l’événement terminal est, de façon diffuse, mais réellement, actif dans l’exposition biographique — aux dimensions catéchétiques, herméneutiques et apologétiques — de la destinée de Jésus, confessé comme étant le Christ. Les spécialistes des Évangiles ont expliqué de différentes façons la genèse des récits du tombeau vide et les conditions qui les ont fait naître. La visée de ces textes est manifestement de populariser et de rationaliser l’axe central de la profession de foi chrétienne qui s’était déjà nettement imposé.La croyance au «Christ ressuscité» est l’écho direct de croyances et représentations de l’apocalyptique juive concernant le sort des justes, qui ressusciteraient à la fin des temps. Certaines figures, Moïse, Hénoch et Élie par exemple, étaient alors la personnification idéale de ces justes. Bien des légendes sur leur disparition céleste (Hénoch), sur leur enlèvement au ciel (Élie), voire sur leur préexistence (Moïse) circulaient chez les juifs contemporains de Jésus: elles allaient trouver, en Jésus, reconnu comme le Messie d’Israël, c’est-à-dire comme l’inaugurateur de la fin des temps, le lieu précis, défini et nommé, de leur cristallisation optimale et définitive. Il est à noter que l’évangéliste Luc articule structurellement la mort de Jésus, sa résurrection et son enlèvement au ciel comme des conditions nécessaires de son entrée dans la gloire. Le champ sémantique de tous les discours primitifs sur la résurrection de Jésus ne s’épuise pas avec les mots «ressusciter» ou «résurrection», fréquemment employés. C’est ainsi que Luc, auteur du troisième Évangile et des Actes des Apôtres, cherchant à se faire entendre des milieux de culture grecque, a tendance à éviter la terminologie de «résurrection». Dans les Actes (XXV, 19), il s’agit de «Jésus qui est mort, et que Paul affirme être en vie»; dans les Actes (I, 3), on lit: «Il s’était montré vivant après sa passion»; et dans Luc (XXIV, 23): «Quelques femmes [...] qui déclarent qu’il est en vie...» Luc transpose donc, en certains cas, le langage de «résurrection» en langage de «vie». On trouve aussi, dans le Nouveau Testament, le langage d’«exaltation»: autre substitut du langage de «résurrection» que l’on repère dans le couple d’opposition «abaissement-exaltation» (par exemple, dans Philipp., 8-9).Avec l’apparition de l’herméneutique dans le champ des études bibliques et théologiques, la question de la résurrection de Jésus se trouve posée, depuis peu, sous une forme rajeunie. Cependant, l’enjeu demeure encore trop circonscrit dans une visée apologétique que commande, sous des déguisements perfides, un historicisme subtil ou naïf. Ainsi s’expliquent les polémiques stériles qui oscillent entre des rappels dogmatiques durcis et des propos désinvoltes, lesquels, paradoxalement, se contentent en fait de leur faire écho. Un travail s’impose qui, s’appuyant conjointement sur une réelle science de l’histoire et sur une non moins réelle science du discours — qui articule nécessairement le langage et l’histoire — produirait un concept adéquat de résurrection. Ce dernier relèverait à la fois d’une théorie de la succession et d’une théorie du vivre. Les bases épistémologiques de toute étude concernant la résurrection, qui demeure fondamentalement une étude théologique, manquent, ce qui explique qu’il ne puisse y avoir, sur ce sujet, rien d’autre que des débats.
Encyclopédie Universelle. 2012.